Viande rouge – Viande blanche

Viande rouge – Viande blanche

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S’il est un sujet récurrent et important dans l’alimentation crue, c’est bien la classification des viandes : rouges ou blanches. Et que l’on soit du côté de la boucherie, de la biologie ou de l’OMS, ces classifications différent.

Jusqu’à présent, mes recommandations en matières de type de viandes étaient de donner plus de viandes rouges que de blanches. A cela plusieurs raisons :

  • Le prey model tend à recréer ce qu’un carnivore trouvera dans la nourriture, à savoir une proie. Prenons l’exemple du lapin : sauvage, sa viande sera rouge contrairement aux lagomorphes d’élevage dont la viande est blanche. La raison : l’alimentation et la liberté de mouvement
  • Le bétail (bovin et ovin) a plus souvent accès à l’extérieur contrairement aux volailles d’élevage intensif qui fournissent des viandes peu chères.
  • En recommandant plus de viandes rouges que de blanches, on assure à nos carnivores domestiques de ne pas être nourris seulement aux déchets de boucherie et aux cuisses de poulet bas de gamme. On ne le répètera jamais assez, si l’alimentation crue n’est pas compliquée, c’est tout de même un peu plus que de jeter une cuisse de poulet dans une gamelle et des pelures du boucher.

Or, grâce aux questions et discussions sur notre groupe Facebook, surtout concernant certains morceaux de volaille, j’ai réalisé qu’il était un peu trop simpliste de limiter les viandes à leur “couleur”. Il est donc temps de revoir nos recommandations pour être sûr de varier au mieux l’alimentation de nos animaux.


Définitions et o
rigine des termes viande blanche et viande rouge

Définition selon l’AFM-Théléthon :

Les fibres de type I à contraction lente ou fibres rouges : elles sont nombreuses dans les muscles rouges. De petits diamètres et très vascularisées, ces fibres contiennent de nombreuses mitochondries et peu de glycogène. Peu fatigables, les fibres I sont surtout utilisées lors d’exercices peu puissants et prolongés (maintien de la posture).
Les fibres de type II à contraction rapide ou fibres blanches : elles sont localisées dans les muscles pâles. Elles sont de plus grand diamètre, pauvres en mitochondries, peu vascularisées, mais elles sont riches en glycogène. Ces fibres sont très fatigables, mais très puissantes, elles sont sollicitées lors des exercices brefs mais intenses.

 

Définition selon Wikipédia (1 et 2)

La viande blanche est une viande dont la concentration en myoglobine dans les fibres musculaires est inférieure à celle de la viande rouge et de la viande noire. La différence réside aussi dans la teneur en fer, qui est deux fois moins importante dans les viandes de couleur blanche, et non pas dans la composition des protéines. Elle regroupe généralement les chairs issues du porc, du veau, du lapin et des volailles. Dans les études sur la nutrition, la viande blanche ne comprend que la volaille et le poisson, et exclut toutes les viandes de bétail, considérées comme de la viande rouge

La viande rouge est en général une viande préparée en abattoir puis en boucherie et dont la concentration en myoglobine dans les fibres musculaires est supérieure à celle de la viande blanche, tout en étant inférieure à celle de la viande noire (gibiers tels que cerf, chevreuil, sanglier, caille).
Cette différence de couleur réside notamment dans la teneur en fer, qui est plus élevée dans les viandes de couleur rouge, et non pas dans la composition en protéines ou en acides aminés des protéines

 

Définition selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé)

La viande rouge fait référence à tous les types de viande issus des tissus musculaires de mammifères comme le bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre.

 

Les professionnels de l’élevage, quant à eux, ne raisonnent pas en matière de viande blanche ou rouge mais en terme de “filière” par type d’animal :
– filière bovine
– filière porcine
– filière chevaline
– filière ovine
– filière caprine
– filière avicole

Si en France et en Europe nous avons de nombreuses législations sur la traçabilité, l’étiquetage des viandes, l’utilisation du mot viande et les différentes filières, rien n’apparait sur la différenciation entre viande rouge et viande blanche. D’après le site la-Viande.fr

Si le dictionnaire encyclopédique de la langue française définit la viande comme : « chair des mammifères et des oiseaux en tant qu’aliment, il distingue bien trois types de viandes : la viande rouge, la viande blanche et la viande noire ».
Le Codex alimentarius, lui, définit la viande comme étant « toutes les parties d’un animal qui sont destinées à la consommation humaine ou ont été jugées saines et propres à cette fin ».
Par ailleurs, la définition varie d’un pays à l’autre. Ainsi en France, les consommateurs ont tendance à qualifier de viande rouge, uniquement les viandes de bœuf, d’agneau et la viande chevaline alors que les anglo-saxons regroupent l’ensemble des viandes de boucherie (le porc, le veau notamment) sous le terme de “viande rouge“. C’est d’ailleurs cette définition qui est reprise dans les publications scientifiques.
Ainsi, la dénomination « viandes de boucherie » ou encore « Viandes hors volaille » (qui intègrent donc : le bœuf, le veau, l’agneau, la viande chevaline, le porc frais (pas la charcuterie) et d’autres viandes comme la viande de chevreau) correspondent à la notion de « viande rouge »  communément utilisée dans les publications scientifiques internationales et dans les nouvelles recommandations de santé publique reprises dans les différents pays, y compris en France.

Ainsi donc il s’agit plus de notion que de définition

Aux Etats Unis, grâce à une loi fédérale dès le début du 20eme siècle, on fait la distinction entre viande de bétail donc viande rouge (cf Federal Meat Inspection Act of 1906) et un peu plus tard dans les années 50, la volaille donc viande blanche (cf Poultry Products Inspection Act). Toutefois à l’heure actuelle la viande de couleur claire a été appelée viande “blanche” (principalement le muscle de la poitrine) pour la distinguer des espèces de viande “rouge” plus foncée comme la viande provenant de la cuisse et du pilon souvent appelée “viande brune”.

 

Différences entre viandes blanches et rouges et composition nutritionnelle des viandes

Nous savons déjà que selon les morceaux d’un même animal, les teneurs en nutriments varient.

Selon le Lexicon du site Meat and Muscle Biology :

Ces termes constituent une classification traditionnelle et générale des viandes basée sur l’espèce, la couleur et/ou la composition lipidique qui a été utilisée à des fins de classification réglementaire/historique/nutritionnelle/santé. La viande rouge a été le plus souvent associée au bœuf, au porc et à l’agneau, tandis que la viande blanche a été le plus souvent associée au muscle de la poitrine du poulet et de la dinde. Ces désignations ne décrivent pas adéquatement les propriétés uniques associées aux diverses espèces, telles que la couleur visuelle et cuite, la teneur en myoglobine, la teneur en lipides et le profil nutritionnel, et sont inappropriées pour classer les viandes de manière générale à des fins sanitaires et nutritionnelles.

Nous laisserons de côté l’aspect sanitaire des classifications qui s’appliquent à l’alimentation humaine, pour nous concentrer sur l’aspect nutritionnel et donc trouver une meilleure dénomination que les seuls termes viandes blanches et rouges.

La myoglobine est une protéine qui ressemble à l’hémoglobine dans sa structure. En effet, elle est constituée d’une partie protéique, la globine, et d’une partie non protéique, l’hème. La myoglobine a une coloration rouge, c’est elle qui donne leur couleur aux muscles. Présente dans les cellules des muscles striés (squelettique et myocardique), elle assure une fonction de transfert et de stockage de l’oxygène dans ces tissus

Le fer est un sel minéral qui sert au transport et au stockage de l’oxygène dans le corps. Il est le constituant de l’hémoglobine contenue dans les globules rouges et il entre la composition de la myoglobine. Il se divise en 2 catégories :

  • le fer héminique (lié à l’hème) qui provient des aliments d’origine animale
  • le fer non héminique que l’on trouve dans les végétaux (fruits, légumes, céréales, légumes secs, produits laitiers)

Dans leur étude de 2017, les Dr Jimmy Keeton et Mickael E. Dikeman sont plus précis et déclarent :

Les scientifiques de la viande et de l’alimentation peuvent classer les muscles individuels ou les groupes de muscles comme “rouges” ou “blancs” en fonction de leur concentration en myoglobine, de leur profil lipidique, de leur densité mitochondriale, de la physiologie des fibres musculaires et/ou en réponse à des changements physiologiques au cours du métabolisme post-mortem et/ou de la protéolyse. Certaines modifications physiologiques de la couleur et de la texture de la viande sont dues à la génétique de l’animal, à son régime alimentaire et/ou aux pratiques de manipulation avant l’abattage, qui peuvent modifier le point final du pH musculaire et donner lieu à un muscle pâle, mou et exsudatif (PSE) ou foncé, ferme et sec (DFD). Ainsi, l’utilisation des termes “rouge” et “blanc” et “clair” et “foncé” peut avoir des significations différentes en fonction de leur contexte d’utilisation. Le regroupement de certains produits dans les catégories “rouge” ou “blanc” peut ne pas être suffisamment informatif pour décrire précisément le paramètre réel d’intérêt lors de la communication d’informations scientifiques. Par exemple, dans les études nutritionnelles, les termes “viande rouge” et “viande blanche” sont souvent utilisés comme descripteurs “de substitution” pour les différences de teneur en graisses insaturées et saturées entre le bœuf et la volaille, respectivement. Les poitrines de poulet et de dinde sont traditionnellement considérées comme de la viande “blanche”, mais dans certains contextes nutritionnels, la viande brune de la volaille et les cuisses de dinde sont regroupées dans la catégorie “blanche”, même si leur composition est très différente. De même, le veau est parfois considéré comme une viande “blanche” en raison de sa plus faible concentration en myoglobine, mais le “bœuf”, en revanche, est considéré comme une viande “rouge”. La viande de cuisse de dinde a essentiellement la même teneur en fer que le bœuf haché, mais elle peut tout de même être considérée comme une viande “blanche” en raison de la différence de son profil lipidique. Il serait donc plus précis d’éviter complètement l’utilisation des termes “rouge” et “blanc” et d’identifier réellement la viande provenant d’une espèce spécifique sur la base de paramètres définis tels que la teneur en myoglobine ou en fer héminique, le profil lipidique, la composition en acides gras, la teneur en cholestérol, etc.

Malheureusement pour l’instant les suggestions de cette étude n’ont pas trouvé de réponses pratiques. Nous comprenons désormais que la classification viande rouge et viande blanche est restrictive et, bien qu’il y ait parfois des variations avec les termes viandes brunes ou noires, on ne peut pas se baser uniquement sur la couleur d’une viande pour en apprécier les composants nutritionnels. Pas plus que les risques médicaux que la consommation de telle ou telle viande peut faire peser sur l’être humain. Et malheureusement, on a encore trop tendance à calquer les besoins de l’être humain sur ceux de nos carnivores domestiques.

 

Quelques chiffres

Concernant la teneur en gras, on entend souvent dire que la viande blanche est moins grasse que la viande rouge. Dans son article sur la différence entre viande blanche et viande rouge, le Dr Blanchard, spécialiste en nutrition clinique vétérinaire, classe l’oie en viande blanche (15 % de MG) comme le bison et l’autruche (1 – 3% de MG). Toutefois elle indique que “Certaines espèces animales ont un muscle de couleur plutôt rouge (bœuf, mouton, cheval, canard, thon) alors que pour d’autres, elle est plutôt rose (poulet, lapin, veau, poissons le plus souvent) et devient blanche à la cuisson“. Or le bison est un bovidé au même titre que le bœuf.
Quant à la teneur en matières grasses, après vérification auprès de la table Ciqual, la viande d’oie contient 7.12 % de lipides, l’autruche 8.7 %.
Je note cependant qu’elle classe, comme nous, le cœur comme muscle et viande rouge.

De son côté et pour appuyer son propos sur le fait qu’il y ait une confusion sur les termes de viande rouge et viande blanche, la nutritionniste américaine Monica Reinagel écrit :

Même le ministère américain de l’Agriculture semble manquer de cohérence dans ses explications. Selon une fiche d’information en ligne sur la préparation de la viande d’agneau, la quantité de myoglobine dans le muscle de l’animal détermine sa catégorie de couleur de viande. Dans une autre fiche d’information de l’USDA sur la production de volaille, les ratites (de grands oiseaux sans ailes comme l’émeu, l’autruche et le nandou) sont identifiés comme de la viande rouge parce que “le pH de leur chair est similaire à celui du bœuf”.

J’ai donc pris quelques chiffres sur le site de l’ANSES et la base Ciqual 2021 pour faire quelques comparaisons sur les teneurs en fer (teneur pour 100g) et cela ne nous avance pas vraiment.

Aile de dinde : 1.26 mg –  escalope de dinde : 1.02 mg – cuisse de dinde : 1.04 mg
Viande de côte ou côtelette d’agneau : 1.34 mg
Filet de porc : 0.93 mg
Rôti de veau : 1.35 mg – haché 20 % MG : 0.84 mg
Viande de canard avec peau : 2.2 mg
Jarret de bœuf : 1.96 mg – haché 5% MG : 2.65 mg
Pigeon : 4.03 mg
Cuisse de pintade : 2.5 mg – poitrine de pintade : 0.3 mg
Viande de caille sans peau : 4.51 mg

Enfin je terminerai avec la viande rouge de dinde, celle qui pose régulièrement la question de savoir s’il faut la compter en viande rouge comme le bœuf ou le canard ou en viande blanche comme le poulet ou le lapin.

Sur le site Easy Barf on peut lire

Viande de cuisses et pilons de dinde […] sans os, sans peau […]
Très riche en protéines et pauvre en matières grasses, la viande rouge de dinde est particulièrement riche en taurine (3x plus que le cœur de bœuf).
Plus riche en fer et autres oligo-éléments que la Blanquette, plus pauvre en phosphore et plus riche en lipide. Très bon choix pour les chiens souffrant d’insuffisance rénale par exemple.

Toujours en me référant à la base Ciqual 2021 et à cette publication sur les quantités de taurine, il faut relativiser :

  • Cuisse de dinde viande sans peau (pour 100 g)
    Protéines : 21.3 g
    Lipides : 2.5 g
    Fer : 1.04 mg
    Phosphore : 176 mg
    Taurine : 306 mg
  • Blanquette de dinde. La blanquette n’est pas un morceau mais une préparation culinaire qui peut se faire avec le blanc ou les ailes. Ici j’ai choisi les valeurs du blanc de dinde (escalope)
    Protéines : 24.1 g
    Lipides : 1.22 g
    Fer : 1.02 mg
    Phosphore : 201 mg
    Taurine : 29.5 mg
  • Aile de dinde
    Protéines : 20.2 g
    Lipides : 12.3 g
    Fer : 1.26 mg
    Phosphore : 165 mg
    Taurine : aucune donnée
  • Cœur de bœuf
    Protéines : 18.5 g
    Lipides : 2.95 g
    Fer : 5.14 g
    Phosphore : 213 mg
    Taurine : 65 mg
  • Filet de bœuf (viande maigre)
    Protéines : 21.6 g
    Lipides : 4.95 g
    Fer : 2.57 g
    Phosphore : aucune donnée
    Taurine : 3.13 mg

 

Conclusion
Nous venons de voir qu’il est difficile d’avoir une classification formelle viande blanche et viande rouge, tant les facteurs à prendre en compte peuvent influer sur cette classification : espèce, méthode d’élevage, alimentation, âge d’abattage, partie de l’animal, composition nutritionnelle etc …

Pour ne pas créer de confusion et employer des qualifications compliquées, nous continuerons à parler de viande rouge et blanche mais en mettant des nuances. Ainsi dans notre liste, nous classerons certaines viandes en y ajoutant des annotations et nous recommanderons donc désormais de varier les viandes rouges et blanches de mammifères (porc, bovin, lapin, kangourou etc) et de volaille (poulet, dinde, autruche, canard etc)

 

Plus d’infos

La viande blanche n’est pas meilleure pour le cholestérol

Ci dessous un article sur l’imaginaire culinaire en allemand, espagnol et français où sont reprises les différences entre viandes rouges et viandes blanches

L’imaginaire culinaire en allemand, espagnol et français

 

 

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