Nourrir au cru le chien sportif ou de travail

Nourrir au cru le chien sportif ou de travail

image_pdfVersion PDFimage_printImprimer

Lorsqu’on a un chien qui est soumis a des activités intenses comme les chiens de courses, de troupeau, de traineau ou des chiens qui ont une activité sportive quotidienne intensive, la question d’une alimentation adaptée se pose.

 

Vous le savez, notre approche sur ce blog n’a rien de “scientifique”: pas de calculs complexes ni élaborés, nous ne nourrissons pas nos animaux avec des équations, nous préférons regarder le côté pratique plutôt que celui de la théorie. Toutefois pour mieux comprendre les besoins des chiens de travail un peu de science est nécessaire.

Les calories
Je ne recommanderai pas ici un nombre de calories nécessaire aux chiens de travail. Toutefois il me semble important de faire une petite parenthèse pour expliquer pourquoi je ne m’y réfèrerai pas.
La calorie avec un c minuscule correspond à la quantité de chaleur nécessaire pour augmenter d’un degré la température d’un gramme d’eau. 1 calorie est égale à 4,184 joules. La Calorie (Cal) avec un C majuscule correspond à 1000 calories, soit 1 kilocalorie qui est égale à 4184 kilojoule (kJ). Il est à noter que la calorie ne fait plus partie du système international d’unité et a été remplacée par le joule pour parler d’énergie. Cette notion de calories est cependant utilisée pour calculer l’énergie contenue dans les aliments. C’est Nicolas Clément qui a parlé le premier de calories lors de conférences sur les moteurs thermiques au début de XIXe siècle. Or, comme l’indique Dr Juneau, cardiologue et directeur de la prévention à l’Institut de Cardiologie de Montréal, le corps n’est pas un moteur thermique. Et si c’est vrai pour le corps humain, cela l’est aussi pour le corps animal, d’autant que le système digestif du carnivore diffère du nôtre. Toutes les calories ne se valent pas et la quantité d’énergie que chaque organisme extrait d’un aliment particulier, dépend de nombreux facteurs comme l’âge, les bactéries présentes dans la flore intestinale etc …


Un peu d’anatomie

De nombreuses races de chiens sont génétiquement adaptées et sélectionnées pour certaines tâches : rassembler un troupeau, tirer un traîneau sur des kilomètres par des températures glaciales, chasser du gibier ou le rapporter.
Un chien de travail tire son énergie de la graisse ou des aponévroses, du glycogène stocké dans son foie et ses muscles et par les protéines musculaires qui sont converties en glucose.

Les chiens sont sélectionnés pour différentes tâches non seulement basés sur leurs dispositions naturelles et leur constitution pour effectuer une tâche, mais aussi sur leur structure musculaire.

Il y a 2 types principaux de fibres musculaires dans le corps :

  • Les muscles à contraction lente qui sont utilisés pour les postures et les activités d’endurance. Chez l’humain, ce sont les muscles qui entourent la colonne vertébrale qui travaillent principalement pour nous maintenir debout et doivent donc être résistant à la fatigue. Les muscles des hanches sont un autre exemple. Quand nous marchons nous utilisons ces muscles mais ils sont plus lents à se contracter ce qui veut dire qu’ils sont très utiles pour courir de longues distances mais produisent moins de puissance.

  • Les muscles à contraction rapide sont ceux utilisés pour des activités courtes comme le sprint ou le saut. Ils se contractent plus rapidement mais se fatiguent plus vite.
    Ils utilisent du glycogène comme “combustible” car il peut être décomposé rapidement en énergie alors que les muscles à contractions lentes utilisent des acides gras pour l’énergie.

Un chien de traîneau qui est sélectionné pour son endurance, s’appuiera sur ses muscles à contraction lente. D’un autre côté un lévrier comme le greyhound qui est un sprinter, utilisera ses muscles à contraction rapide.
Ces différences dans la structure musculaire aide à déterminer l’alimentation  de ces différents chiens de travail. Le sprinter aura donc besoin de moins de gras que le chien qui court longtemps sur plusieurs dizaines de kilomètres.
Les besoins en énergie des chiens de travail varient en fonction de la température, du type d’intensité de travail et l’état du chien

 

Un peu de science
Dans le corps, des réactions chimiques se produisent en permanence pour permettre à différents processus de s’accomplir : respiration, digestion, production d’énergie, réflexion etc …
Les paragraphes suivants sont quelque peu indigestes. Ils comportent de nombreux termes scientifiques qui peuvent rebuter les profanes. Vous pouvez aisément les passer et vous diriger vers le paragraphe de l’alimentation.

Respiration et oxygénation
Lorsqu’une molécule d’oxygène est inspirée, elle entre dans le système respiratoire par la bouche ou le nez. Elle passe ensuite par la trachée, une bronche, une bronchiole, jusque dans une alvéole. Dans l’alvéole, l’oxygène se diffuse dans le sang dans les capillaires environnants. L’oxygène est alors dans le système circulatoire.
Les globules rouges sont des cellules spécialisées qui transportent les gaz dans le sang. Pour ce faire, ils utilisent l’hémoglobine. À l’intérieur des globules rouges, l’hémoglobine se lie avec des molécules d’oxygène et de dioxyde de carbone. Pour y parvenir, l’hémoglobine a besoin d’une molécule de fer. Le fer se couple donc à l’oxygène que le chien respire et va générer plus d’hémoglobine dans le sang.

Cycle de Krebs
Le cycle de Krebs porte le nom de son découvreur, Hans Krebs. Il est également connu sous le nom de cycle de l’acide citrique ou cycle de l’acide tricarboxylique.
Le cycle de Krebs est une des étapes de la respiration cellulaire, au cours de laquelle le glucose, les acides gras et certains acides aminés, que l’on peut appeler “molécules carburant”, sont oxydés. L’oxydation de ces molécules sert principalement à transformer l’énergie contenue dans ces molécules en ATP. L’ATP fournit l’énergie nécessaire aux contractions musculaires et peut donc être considéré comme la “monnaie énergétique” des cellules.

Pour démarrer le cycle de Krebs, l’acide pyruvique formé par glycolyse quitte le cytoplasme et entre dans la mitochondrie où il est transformé en un groupe acétyle et se lie à l’enzyme A pour former l’acétyl-coenzyme A. La glycolyse est la première chaîne du catabolisme des glucides.
L’acétyl-CoA réagit avec l’acide oxaloacétique pour former l’acide citrique. Puis dans la boucle du processus, le coenzyme A est libéré répétitivement et génère plus d’acétyl-CoA. Après plusieurs étapes, l’acide citrique est convertit à nouveau en acide oxaloacétique et le cycle de Krebs recommence à nouveau.
Chaque étape du cycle de Krebs produit 1 molécule d’ATP, 1 molécule de FADH2 et 3 molécules de NADH. 1 molécule de glucose peut parcourir le cycle de Krebs 2 fois. Le dioxyde de carbone est produit en tant que sous produit. Les cellules ont besoin d’oxygène pour produire l’ATP et sans ATP les cellules ne peuvent pas vivre très longtemps. L’air est inspiré, l’oxygène va des poumons aux capillaires et il est pompé dans le corps par le cœur où l’oxygène est livré aux cellules pendant le cycle de Krebs. Le sang récupère le dioxyde de carbone des cellules en même temps car c’est un sous produit du cycle de Krebs. L’oxygène est donc crucial pour la fabrication de l’énergie. Lorsque c’est fini, une seule molécule de glucose peut produire de 36 à 38 molécules d’ATP

 

 

La lipolyse ou bêta-oxydation, est aussi une source d’énergie pour la production d’ATP. La majorité du métabolisme des lipides se produit dans le foie où les graisses peuvent être décomposées en plus petites parties en séparant les triglycérides en 1 molécule de glycérol et 3 chaines d’acides gras. Le glycérol est métabolisé dans le cytoplasme pour faire l’acétyl-CoA avant qu’il n’entre dans le cycle de Krebs ou la voie glycolytique. Les triglycérides sont les graisses alimentaires communes les plus complexes et elles ne sont pas hydrosolubles. Mais elles peuvent être transformées en d’autres lipides ou produits. A cause de leurs liaisons multiples de carbone et d’hydrogène, les lipides contiennent beaucoup plus d’énergie chimique que les glucides et les protéines, parce que l’énergie est stockée dans les liaisons entre les atomes. C’est pour cela que les graisses délivrent 2 fois plus de calories que les glucides et les protéines. Les graisses contiennent également 6 fois plus d’énergie que le glycogène par poids.

Les acides gras qui contiennent au moins 18 atomes de carbone voyagent jusqu’à la mitochondrie où ils sont décomposés en fragments de 2 carbones. Certains de ces fragments sont convertis en acétyl-CoA et d’autres en corps cétoniques qui pourront plus tard être convertis en en acétyl-CoA également.
Quand un acide gras de 18 atomes de carbone est oxydé, il peut livrer environ 130 molécules d’ATP, ce qui est plus de 3 fois le montant d’une molécule de glucose. Si la graisse n’est pas utilisée immédiatement pour l’énergie, le glycérol et les chaines d’acide gras seront réassemblées à nouveau et les lipides seront stockés dans les tissus adipeux comme énergie pour un usage ultérieur. Ces réserves de graisses fourniront de l’énergie à l’animal en cas de manque de nourriture.
Les triglycérides produisent plus d’ATP parce qu’ils ont trois queues d’acide gras reliées au glycérol et qu’ils fournissent de l’énergie supplémentaire.
Par conséquent, les lipides produisent plus d’énergie que les glucides complexes et sont les réservoirs d’énergie les plus riches et importants.

Les protéines peuvent aussi être catabolisées pour faire de l’ATP. Dans la mitochondrie, les acides aminés subiront soit une désamination, soit une transamination.
Dans la désamination une amine est enlevée et devient une molécule d’ammoniac qui est toxique pour le corps. La désamination se produit principalement dans le foie où les enzymes convertissent rapidement l’ammoniac en urée qui sera excrétée via l’urine. La chaine de carbone restante est alors introduit dans le cycle de Krebs pour faire l’ATP.
La quantité d’ATP faite à partir des protéines dépend du moment où il entre dans le cycle de Krebs. Si la protéine n’est pas nécessaire immédiatement pour l’énergie elle pourra être convertie en glucose ou graisse.


L’alimentation

L’endurance des chiens est diminuée avec le montant de glucides dans l’alimentation. D’ailleurs, le chargement en glucides juste avant un événement n’augmente pas le glycogène de leurs muscles et peut en fait, augmenter les risques de maladies musculaires. Les glucides font que le chien est plus rapidement à cours d’énergie et commence à haleter. Quand le chien de chasse par exemple commence à haleter, ça lui fait perdre la trace olfactive de ce qu’il cherche. Le gras réduit le besoin d’haleter en augmentant l’endurance et donc favorise un meilleur travail pour le chien. Les acides gras poly insaturés (omégas 3 et 6) sont sources de prostaglandines qui sont des médiateurs des fonctions cellulaires et ont un rôle anti inflammatoire, de phospholipides bénéfiques pour le cerveau et la mémoire, importante chez un chien de travail et pour le développement neurologique du chiot.

  • La vitamine E est une vitamine liposoluble qui stabilise les membranes des cellules en les protégeant des dégâts des radicaux libres produits lors des exercices extrêmes.
  • Le magnésium est le co facteur de plus de 300 enzymes des systèmes qui régulent la fabrication des protéines, la fonction des muscles et des nerfs, le contrôle du glucose sanguin et la pression sanguine. Le magnésium est donc indispensable pour la production d’énergie et la glycolyse.
  • Le fer génère de l’oxygène bénéfique aux fonctions du système énergétique et permet à l’organisme de fonctionner correctement. Un apport en fer suffisant est donc crucial dans l’alimentation du chien de travail
  • Le manganèse joue un rôle dans le métabolisme des graisses, l’absorption du calcium et la régulation de la glycémie. Il est nécessaire au bon fonctionnement du cerveau et des nerfs.
  • L’iode est une hormone qui régule la fonction thyroïde et qui est impliquée dans la régulation du poids, de l’énergie et de l’humeur. Elle aide la glande thyroïde a fabriquer la thyroxine qui joue un rôle sur l’utilisation des protéines, des graisses et des glucides dans le corps.


En pratique

Vous l’aurez compris les lipides sont essentiels au chien de travail, ainsi que des protéines de bonne qualité. En cela le prey model est l’idéal.
N’hésitez pas à augmenter la ration quelques semaines avant les compétitions, courses ou saison de chasse, certains chiens de traineau par exemple peuvent avoir des quantités allant jusqu’à 6% de leur poids. Bien entendu vous adapterez les quantités aux besoins de votre animal et de ses activités. Privilégiez les viandes rouges les plus grasses et si votre animal le supporte, laissez la peau sur les os charnus des volailles. Certains sites vendent de la graisse animale cela peut être un complément intéressant tout comme le sang. Toutefois le gras sera à introduire progressivement pour éviter une éventuelle pancréatite aiguë et éviter les problèmes de selles liquides pouvant entrainer une perte d’électrolytes.
Vous pourrez augmenter la ration d’abats en passant à 15 % au lieu des 10 % habituels répartis entre foie et second abat parmi lesquels vous privilégierez les rognons et surtout la rate riche en fer. Les poissons gras apporteront le magnésium et les acides gras nécessaires à l’énergie de votre chien ainsi que l’iode que vous trouverez également dans le foie de morue frais, les huîtres et le jaune d’œuf.
Bien sur les gros repas devront être évités avant l’effort ou le travail et juste après. De petites quantités de moins de 10 % de la ration journalière peuvent être données dans les 4 heures suivant l’événement pour être sûr que les niveaux de protéines et de glycogène sont restaurés.

 

 

Plus d’informations

Histoire de la Calorie en nutrition

Comment le calcul des calories est devenu une science

La science révèle pourquoi le calcul des calories est erroné

Nourrir les chiens de travail

Moins, c’est plus ? Régime à très faible teneur en glucides et performances des chiens de travail

Où les chiens au cru trouvent ils leur vitamine E ?

La vitamine E et nos animaux 

 

 

 

 

 

Crédit photo : Mads Pihl

© 2023 – 2024, Carole Marret. All rights reserved.

Les commentaires sont clos.