Les pâtées

Les pâtées

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Un peu d’histoire

Au début du vingtième siècle avec la révolution industrielle, les chiens et chats ont commencé à devenir des animaux de compagnie, plus que des animaux “utilitaires”. De nouvelles méthodes de conservation sont apparues (appertisation), et la boîte de conserve pour animal de compagnie a connu son essor, grâce aux énormes quantités de produits carnés jugés impropres à la consommation humaine. Ainsi les sabots, organes, os et têtes d’animaux sont devenus une façon de recycler ces “restes” à prix abordable, pour répondre à une demande croissante d’aliments pratiques pour animaux.

Après la fin de la première guerre mondiale, les éleveurs qui fournissaient les chevaux pour l’armée américaine, ont alors vendu leurs animaux aux abattoirs pour l’alimentation animale. Lorsque les élevages ne sont plus arrivés à fournir suffisamment d’animaux, les chevaux sauvages ont été la nouvelle source d’approvisionnement.

  • 1922

Avènement de la marque la plus populaire aux États unis : Ken-L Ration. Les conserves, faites de cheval, étaient approuvées par le gouvernement américain et représentaient alors 90 % du marché.

Pendant la deuxième guerre mondiale, les Etats Unis ont du rationner l’étain (composant des conserves) pour le réserver à l’usage militaire de même que la viande et la production d’aliments pour animaux a été classée comme “non essentielle”. Les industriels se sont donc tournés vers une autre alternative : l’alimentation sèche

  • 1948

Le Dr Morris vétérinaire passe un contrat avec Hill’s pour produire les aliments “rénaux” en conserve qu’il avait mis au point à la fin des années 30.

 

  • 1959

Les frères Dolfi créent un petit atelier familial (Sabi) à Strasbourg, qui fabrique les premières pâtées pour chiens et chats en France avec les marques Ronron pour les chats et Canigou pour les chiens. En 1963 l’entreprise s’agrandit et s’appelle Unisabi.  La société sera rachetée par Mars en 1967.

 

Fabrication et composition

Voici une vidéo de la FACCO qui explique la fabrication des pâtées

 

Ici le côté moins romancé de la fabrication mais qui omet quelques détails

Étape 1
Pour fabriquer de la nourriture humide, les fabricants assemblent les matières premières fraîches ou congelées. Concernant la viande (les gros blocs roses uniformes), c’est en majorité de la VSM et des carcasses. Si les carcasses sont utilisés dans la composition des rations de prey model, la VSM, elle, est le résultat du grattage de carcasses. Donc ne vous attendez à ce que les terrines et autres bouchées contiennent des filets de poulet ou des juteux morceaux de steaks.
Puis les matières fraîches et congelées sont broyées en petits morceaux. Une fois le broyage effectué, on rajoute des compléments tels les agents de textures, les vitamines, sels minéraux et parfois des céréales, pour obtenir un produit “complet” cru

 

Étape 2
Le produit cru est transféré dans un mixeur dont la température augmente au fur et à mesure du processus de mélange, ainsi, l’amidon contenu dans le produit, et la je cite textuellement l’article de Dog Food Insider

commence à se gélatiniser et les protéines à se dénaturer – ce processus permet d’améliorer la saveur et la texture du produit final. Les conserves contenant des glucides doivent être cuites à des températures plus élevées que celles qui n’en contiennent pas, afin de garantir la cuisson complète des amidons.

Étape 3
Une fois le produit cuit, on remplit les boites de conserve et on les scelle à l’aide d’une machine qui souffle de la vapeur sur le dessus afin qu’il y ait un phénomène de mise sous vide lorsque la boite et son contenu vont refroidir.

Étape 4
On stérilise les boites à une températures de 121° C pendant 3 minutes pour éliminer toutes bactéries pathogènes.

 

Les agents de texture

Voilà les agents de texture que l’on peut trouver dans la nourriture humide. Il est important de noter que la législation n’impose pas aux fabricants de mentionner l’ajout de ces épaississants / gélifiants bien que la FAACO les mentionne sur son site :

La fabrication des produits en conserve, met en œuvre différents types de matières premières (souvent d’origine végétale ou animale) et d’ingrédients. De plus, les ingrédients sont des agents de texture, des vitamines et ou des compléments de minéraux.
Ainsi, les matières premières d’origine animale sont soit fraîches, réfrigérées, soit congelées. D’abord on les broie puis on les ajoute dans un mélangeur avec les autres composants (céréales, vitamines, compléments minéraux ou agents texturants).

  • Amidon (ou fécule) de pomme de terre : extrait de la pomme de terre, c’est un épaississant / gélifiant qui n’a aucun bénéfice ni intérêt pour les chiens et chats. C’est un glucide donc du sucre.
    Fun fact : en 2010 la commission européenne a donné le feu vert pour la culture d’une nouvelle pomme de terre OGM (amflora) dont la fécule pouvait être utilisée pour l’industrie de la colle notamment mais également dans l’alimentation animale. Hors la Hongrie, soutenue par certains pays membres dont la France, a déposé un recours en annulation et le Tribunal de l’Union leur a donné raison. L’autorisation a été retirée en 2013. La société allemande (BASF) qui est à l’origine de cette patate transgénique est partie la cultiver … aux USA
  • Amidon (ou fécule) de tapioca : extrait des racines de manioc, c’est un épaississant qui n’a aucun bénéfice ni intérêt pour les chiens et chats. C’est un glucide donc du sucre.
  • Carraghénane (E407) : polysaccharide naturel extrait d’algues rouges. Il est couramment utilisé comme épaississant et gélifiant dans l’alimentation humaine et animale. Son utilisation favoriserait l’inflammation du système digestif
  • Gomme de guar (E412) : polysaccharide naturel extrait de la graine de la légumineuse Cyamopsis tetragonoloba ou guar, utilisée comme agent épaississant et stabilisant. Consommé à forte dose, elle provoque des ballonnements, des gaz, des diarrhées et des selles molles chez certains chats ayant une mauvaise digestion sensibles à la digestion. Une étude a montré que la gomme de guar inhibe la digestibilité des graisses et des protéines chez les chats âgés et ceux qui souffrent de problèmes digestifs
  • Gomme xanthane (E 415) :  à ne pas confondre avec le xylitol, la gemme de xanthane est obtenue à partir de l’action d’une bactérie la Xantomonas campestris. Utilisée comme agent épaississant, elle a été découverte en laboratoire par une chimiste travaillant pour le département américain de l’agriculture dans les années 50. À ce jour, aucune étude n’a été menée sur ses effets chez les chiens et chats.
  • Gomme de caroube (E410) : extraite des graines de caroubier, elle est utilisée comme agent épaississant. Aucune étude n’a été menée sur sa digestibilité chez les chiens et les chats. Dans les études humaines, les individus ont signalé des effets secondaires similaires à ceux de la gomme de guar (gaz, ballonnements).
  • Gomme cassia (E427) : extraite des plantes du genre Cassia et Senna. En 2019 une étude menée par la FEEDAP (groupe scientifique sur les additifs et produits ou substances utilisés en alimentation animale) conclut “la mutagénicité de la gomme cassia semi raffinée sous application en peut pas être exclue. Par conséquent le groupe scientique FEEDAP ne peut pas établir la sécurité de la gomme cassia semi raffinée pour les chats et les chiens” (source)
  • Agar Agar : Une source de fibres indigestes extraites d’algues rouges. Dans le tube digestif, il absorbe l’eau, augmente le volume et stimule le transit intestinal. Il est utilisé depuis des siècles comme laxatif. Il n’existe actuellement aucune étude sur ses effets sur le tube digestif du chat. Pour un chat en bonne santé, ces agents épaississants peuvent ne pas constituer une menace sérieuse pour son état de santé initial. Mais comme les gommes, telles que la gomme de guar, réduisent la digestibilité, les chats souffrant de problèmes gastro-intestinaux ne peuvent pas recevoir tous les nutriments dont ils ont besoin, et des symptômes tels que la diarrhée peuvent persister en raison de leurs propriétés potentiellement inflammatoires et laxatives. En outre, avec l’âge, la fonction digestive devient moins efficace et l’organisme a une capacité réduite à compenser les aliments moins digestes.

 

Pâtée vs croquettes

Si on peut reconnaitre un avantage à l’alimentation humide c’est, comme son nom l’indique, sa teneur en eau. Et pour les chats qui sont à l’origine des animaux du désert trouvant l’hydratation dans les proies qu’ils chassent, l’eau est un élément crucial dans l’alimentation.

Toutefois les boites sont plus chères que les croquettes, d’autant que les aliments pour animaux ont subit une inflation de +13 % en 2022, à la fois pour l’alimentation sèche et humide. En cause la hausse du prix de l’énergie et des matières premières comme les céréales et la volaille. La grippe aviaire a fait augmenter le prix de la volaille de 42 % ! Le fait que 80 % du marché de l’alimentation animale soient détenu par Mars et Nestlé ne favorise pas la concurrence et donc impacte les prix.

Les pâtées ont en général un contenu moins important en glucides et plus important en protéines comparé aux croquettes, encore faut il que cette protéine soit de qualité. Pour exemple, un morceau de filet de poulet cru c’est 23 % de protéines et 1.5 % de lipide, un steak de bœuf 20 % de protéines et 16 % de lipides. Cependant il est important de mentionner que les teneurs en protéines indiquées sur l’étiquette, ne correspondent pas ce que votre animal va absorber mais plutôt à la quantité de protéines brutes totales qui se trouvent dans l’échantillon lorsqu’il est incinéré par les scientifiques dans un laboratoire. Cependant le système digestif n’a pas le fonctionnement d’un four à très haute température.
Le Dr Conor Brady a créé une image pour expliquer comment comparer les teneurs en protéines et graisses de l’alimentation sèche et humide et indique :

Le calcul est le suivant : vous prenez la teneur en eau indiquée (dans le cas des boîtes, 75 %) et vous la soustrayez de 100, ce qui vous donne 25. Vous savez maintenant que ce produit contient 25 % de masse sèche. Il suffit ensuite de multiplier la teneur en protéines (10 %) par 25 (10/25) pour obtenir 40 % de la masse sèche sous forme de protéines.

Pour les non anglophones
Guaranted analysis = analyse garantie
Protein = protéine
Fat = graisse
Water = eau
Actual (water removed) = réel (eau retirée)

 

Mais les “boites” ont aussi leur lot de problèmes et pas des moindres :

  • En 2017, seulement 6 % des aliments “complets” en boite testés au Royaume Uni était conformes aux directives de l’UE sur les aliments pour animaux de compagnie. 20 à 30 % des aliments analysés présentaient un déséquilibres de minéraux.
  • En 2017 et 2018 aux Etats Unis, des milliers de boites de pâtée pour chiens ont été rappelées pour présence de pentobarbital, une drogue utilisée pour l’euthanasie d’animaux. Je vous laisse donc imaginer ce que contenaient ces pâtées. Heureusement en France notre législation est bien plus rigoureuse sur les matières premières utilisées pour la confection de l’alimentation, bien que cela soit insuffisant
  • En 2019 aux Etats Unis la FDA a alerté sur un niveau potentiellement toxique de vitamine D des boites de la marque Hill’s
  • En 2022 la marque Belcando rappelait ses pâtées pour présence de morceaux d’aimants.
  • En 2023 en France, Royal Canin rappelait des lots de pâtées car présentant la présence de morceaux de plastique mousse
  • En 2023 au Royaume Uni c’est la marque Lily’s kitchen qui rappelait ses produits pour la même raison
  • La plupart des boîtes sont doublées de plastique. Or ce plastique contient du BPA qui peut s’infiltrer dans l’aliment. Si la France a interdit la présence de Bisphénol A en 2015 dans les plastiques entrant en contact avec les denrées alimentaires humaines (je n’ai pas trouvé d’interdiction pour l’alimentation animale), il a été remplacé par d’autres revêtements dont on en sait rien de l’innocuité et d’autres bisphénols (B, F et S) qui sont aussi des perturbateurs endocriniens.

 

Conclusion

Les pâtées et autres mousses et bouchées, restent une alimentation cuite et inadaptée. On le rappelle la cuisson dénature les protéines, tue les enzymes vivants des aliments et occasionne une perte de nutriments.

 

 

 

 

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