Le jeûne chez le chat

S’il est admis que le chien peut jeûner, lorsqu’il s’agit du chat la plupart des gens sont catégoriques : il en est hors de question !  Faire jeûner un chat 24 heures est dangereux pour sa santé.  Et l’argument qui suit cette affirmation est que le chat peut développer une lipidose hépatique suite à l’absence de nourriture.

La lipidose hépatique ou stéatose hépatocellulaire, est l’accumulation anormale de graisse dans le foie (foie gras), induit par une privation de nourriture plus ou moins longue, mais elle concerne principalement les chats obèses. Lorsque le foie est saturé par les graisses, il ne fonctionne plus correctement et ne parvient plus à assurer son rôle de filtre des déchets métaboliques qui s’accumulent alors dans le sang.

Voici un extrait du site le Point Vétérinaire

La lipidose hépatique est une affection métabolique féline qui résulte de l’accumulation en quantité importante de triglycérides (des graisses de l’organisme) dans les cellules du foie chez le chat obèse, et faisant suite à un épisode de jeûne plus ou moins long. La maladie apparaît quand plus de 50 % des cellules sont atteintes et représente la première cause d’insuffisance hépatique chez le chat.
La fréquence de la lipidose hépatique est en hausse dans les pays industrialisés, parallèlement à l’augmentation du nombre de chats en surpoids. Étant donné la difficulté de traitement de cette maladie, il est important de réaliser de la prévention au quotidien dans les structures vétérinaires. La sensibilisation du propriétaire à l’importance d’un poids stable pour son chat et les conseils en nutrition sont les bases de cette action préventive

Il existe 2 types de lipidose hépatique

  • idiopathique : sans causes connues
  • secondaire à une autre pathologie : cholangiohépatite, pancréatite, hyperparathyroïdisme, hyperthyroïdie, différentes tumeurs, maladies rénales, plus rarement diabète.

Todorean Gabriel / Getty Images

 

Le refus de s’alimenter peut être aussi dû à une inflammation des gencives ou au stress : déménagement, arrivée d’un autre animal etc…

Comme je l’indiquais un peu plus haut, la lipidose hépatique survient en majorité chez les chats obèses après une période de jeûne plus ou moins longue ou à l’occasion d’une perte de poids trop rapide, avec un apport en nourriture insuffisant. Il y aura toujours des personnes alarmistes pour vous dire que votre chat est en péril imminent s’il venait à jeuner plus de 24 heures, mais de nombreuses sources donnent une marge plus importante. Voici quelques exemples :

Site de la clinique vétérinaire du Mail (64)

La lipidose hépatique du chat correspond au foie gras chez le canard. Les causes sont par contre diamétralement opposées chez le chat : tandis que le foie gras du canard est provoqué par le gavage, la lipidose du chat est due au jeûne prolongé(2 semaines pour un chat en santé, 2 à 7 jours pour un chat malade)

 

Site du Dr Blanchard, vétérinaire nutritionniste

Un chat qui ne mange pas, surtout si il est un peu trop gros avant son anorexie, développe un foie gras, le foie peut cesser de fonctionner correctement en 1 à 5 semaines d’anorexie, et une maladie de déclenche qu’on appelle une lipidose hépatique

 

Ici le résultat de plusieurs expériences (Beynen AC, 2021. Diet and feline hepatic lipidosis)

Quatre expériences démontrent que le foie de chats obèses grossit (extra) pendant le jeûne.
Les animaux ont refusé la nourriture non appétissante qui leur était fournie, ce qui a été décrit comme un jeûne volontaire. Pour un total de 36 chats, la période de jeûne a duré de 4 à 7 semaines. L’image histologique et la concentration en triglycérides hépatiques des biopsies du foie, avant et après le jeûne, ont indiqué une augmentation marquée de la graisse hépatique. Une laparotomie après le jeûne a révélé que le foie était hypertrophié et de couleur jaune-orange.

Dans trois essais avec des chats obèses, la ration quotidienne a été limitée à 25 % des besoins énergétiques pour le maintien du poids corporel idéal. La période expérimentale était de 4 à 12 semaines pour un total de 41 chats. Après la restriction énergétique, la teneur en triglycérides des biopsies hépatiques était en moyenne 2,6 fois plus élevée que la valeur de base.
Pendant 4 semaines, 9 des 41 chats obèses ont été nourris de manière restreinte, à l’aide d’une sonde de gastrostomie. Deux fois par jour, les chats ont reçu une quantité iso-énergétique d’huile de maïs, d’un mélange d’hydrates de carbone ou d’un mélange de protéines en combinaison avec de l’eau. Dans les trois groupes, respectivement, le taux moyen de triglycérides des biopsies du foie est passé de 15 à 313, de 34 à 146 et de 61 à 97 mg/g de foie.

 

Dans une étude de 2009 sur la lipidose hépatique du chat, le Dr Blanchard en collaboration avec le Dr Jane Armstrong, écrit :

Bien que de nombreux chats développent une lipidose pendant des périodes d’anorexie liées à une maladie sous-jacente (parfois appelée ”HL secondaire”), des chats en bonne santé peuvent également développer le syndrome (appelé ”HL primaire”) en raison d’un apport insuffisant pendant des périodes de perte de poids forcée trop rapide, d’une privation de nourriture involontaire, d’un changement de nourriture inacceptable pour le chat, d’un changement soudain de mode de vie ou d’un stress (par exemple, une pension).
Cette compréhension a souligné l’importance de maintenir l’apport alimentaire chez les chats qui deviennent anorexiques, quelle qu’en soit la raison, pendant des périodes supérieures à quelques jours. Bien que les preuves histologiques de l’HL se développent chez les chats en surpoids en 2 semaines dans un modèle expérimental d’HL, l’expérience clinique indique que le syndrome clinique peut se développer beaucoup plus rapidement (en 1 semaine environ), peut-être en fonction du pourcentage de diminution de l’apport calorique (jeûne total vs anorexie partielle) et du degré initial d’adiposité. Les auteurs ont observé que l’HL se développe le plus rapidement et le plus régulièrement lorsque des chats avec des indices de masse corporelle (IMC) très élevés deviennent anorexiques.
Des données épidémiologiques sont nécessaires pour étayer cette observation.

 

On dépasse donc le fameux délai de 24 heures fatidique et fatal que certains aiment brandir lorsqu’un chat ne s’alimente pas lors du passage au cru.

Il est important de rappeler que dans la nature, que ce soit chez les félins sauvages ou les chats errants, le jeûne est fréquent.  Contrairement à ce qui est colporté, un chat ne mange pas 20 à 25 souris par jour. Le chat passe beaucoup de temps à chasser mais sa chasse n’est pas toujours fructueuse.  Et lorsque le chat attrape une proie il ne la consomme pas systématiquement. Une étude faite en Australie sur des chats sauvages indique :

A partir des 89 heures d’enregistrement considérées, nous avons enregistré 101 événements de chasse, dont 32 ont été réussis, pour un taux de 0,3 tués par heure, ce qui équivaut à 7,2 animaux tués par 24 heures par chat. Nous avons enregistré une moyenne de 0,43 mort par heure la nuit et 0,15 pendant la journée. Neuf taxons de proies ont été identifiés. Les grenouilles représentaient 44% des proies tuées, mais n’ont été consommées que dans 50% des cas. Les proies n’ont pas été consommées dans 28% des cas.

Il apparait donc évident qu’un chat ne passe pas son temps à manger et qu’il est soumis à des périodes de jeûnes. D’ailleurs les grands félins sauvages ne chassent pas tous les jours à l’instar des tigres en Inde

Voici ci dessous quelques exemples d’histoires incroyables de chats ayant survécu plusieurs jours sans eau ni nourriture, relayées par les médias :

  • L’histoire de Ni Hao, chaton de 3 mois qui a survécu a un périple de  2 semaines et 10450 km entre la Chine et Los Angeles (Etats Unis).
  • Celle de Miss Pickford, chatte errante de 4 ans qui a survécu à un voyage de 3 semaines sans eau ni nourriture entre Chypre et  Warwick (Angleterre)
  • L’aventure de Mee Mowe enfermé accidentellement 36 jours dans un carton de déménagement envoyé à Hawaii depuis la Virginie (Etats Unis)
  • La mésaventure de  Monty enfermé pendant 2 mois dans un container en Cornouailles (Angleterre)

Bien sûr, il faut savoir raison garder, ces exemples sont extrêmes et accidentels. Il n’est pas question ici de priver un chat de nourriture ni de l’affamer et encore moins de prendre la lipidose hépatique à la légère. Mais si votre chat est en bonne santé, que son comportement n’a pas changé, que vous lui proposez plusieurs fois la nourriture et qu’il n’y touche pas, il ne faut pas céder à la panique. Il y a toujours un moyen d’inciter un chat à manger et un peu de temps est parfois nécessaire avant qu’il ne se décide et accepte que ce que vous lui donnez est bon pour lui.

Je vous conseille de laisser la gamelle à disposition 15 à 20 minutes, puis la remettre au frais et proposer à nouveau au repas suivant si votre chat n’a rien mangé. Il peut arriver que le chat refuse obstinément le contenu de sa gamelle plusieurs jours de suite. Si après 5 jours le chat refuse toujours toute nourriture, vous pouvez lui présenter plusieurs types de viandes pour déclencher l’envie de manger. Préférez une assiette ou un plateau, car les vibrisses du chat sont très sensibles et un bol inadapté peut le gêner.  Toutefois, ne vous laissez pas séduire par des gamelles dites “anti fatigue des moustaches”, une étude a démontré que cela ne changeait pas les habitudes alimentaires du chat.
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Crédit photo : Thorsten Nilson / Eyeem / Getty